La tombe de Padiamenopé ou TT33

Résumé de la conférence donnée par Claude Traunecker



Présentation


La tombe se situe à Thèbes-Ouest, dans le massif de l'Assassif, à Deir el-Bahari, non loin du "temple des millions d'années " d'Hatchepsout, au milieu d'autres tombes privées de hauts fonctionnaires, s'étendant sur une période allant du Moyen Empire à la fin de la XXVIe dynastie, pour les dernières découvertes. Elle est creusée dans le calcaire, ce qui explique la finesse des détails des représentations. Elle s'étend sur 4 niveaux en hauteur, sur une longueur de 110 m et une largeur de 90m en surface, recouvrant en profondeur une surface d'environ 1000m².
On a recensé à l'heure actuelle 23 salles reliées par un dédale de couloirs et de puits.



Passons maintenant à ses nombreux visiteurs illustres qui, dès 1737 en parlent, avec, pour le premier témoignage, un anglais: Richard Pocoke, qui en fit un relevé au moment de l'inauguration du canal de Suez. Puis au moment de l'expédition d'Égypte en 1798, deux ingénieurs des mines en firent un plan déjà très précis: Jollois et Devilliers ; Champollion y aurait fait un passage mais était trop malade, souffrant de la chaleur, pour s'y arrêter. Il faudra attendre 1881 pour que cette tombe commence à être sérieusement étudiée par Johannes Düemichen, fondateur de l'institut d'Egyptologie de Strasbourg. Il releva un plan complet de toutes les salles et de certains textes gravés mais n'eut pas le temps d'achever son travail après la publication de deux tomes, sur les 7 prévus, décédant en 1894. Les conditions de travail étant exténuantes de par de nombreux facteurs contraignants: l'air irrespirable, chargé d'ammoniaque dû aux déjections des innombrables chauves-souris, l'obscurité, les puits nombreux et larges barrant toute la largeur des couloirs, son aspect labyrinthique, contribuèrent à nourrir une réputation de mystère et de malédiction. Personne ne voulant plus y travailler, Maspéro décida de murer la tombe afin de se débarrasser des chauves-souris et le service des Antiquités s'en servit d'entrepôt pour les fouilles alentour. Elle fut donc inaccessible pendant pratiquement un siècle avec quelques visites dont celle de Eigner qui en établit un plan précis et coté, publié en 1984.




Les fouilles se poursuivent avec Claude Traunecker, égyptologue au parcours atypique, puisque parti d'une formation de chimiste. Il suit les cours d'égyptologie au Caire et, en tant que chercheur au CNRS, participe à de nombreuses fouilles; il enseigne au Louvre puis à l'université de Leuven. En 1995, élu titulaire de la chaire d'égyptologie de Strasbourg il y enseigne jusqu'en 2007. Professeur émérite, il participe aux activités de l'institut Khéops, tout en dirigeant les missions de fouilles de 2004 durant 4 mois et 2005, durant 6 mois. Elles ont commencé par l'évacuation des 3 salles transformées en véritable capharnaüm, où sont empilés des objets venant des sites voisins (on en a retrouvé appartenant à la tombe de Toutânkhamon). Sa réouverture officielle s'est déroulée en décembre 2005. Claude Traunecker fut accompagné de toute une équipe dont Annie Schweitzer pour la partie archéologique et d'Isabelle Régen, pour celle de l'épigraphie.

la Tombe

Pour comprendre sa construction rien ne vaut de bons schémas (clic sur les images de gauche pour agrandir). Son agencement va permettre petit à petit de comprendre son but et la personnalité de Padiamenopé. En effet, selon les salles, leurs styles vont reproduire différentes époques ; les textes, différentes versions.



Le décor étant planté, nous pouvons passer à la visite...
Il ne reste rien des 2 cours précédant l'entrée proprement dite ni de l'enceinte à redans de 110m de long et 90 de large dont les fondations de 3 m de large descendaient à 5 m de profondeur pour atteindre le sol calcaire. Au niveau de la 2e cour, il reste des piliers sans décoration ni texte. Le porche d'entrée sculpté très finement comporte des scènes ayant conservé leurs couleurs et l'on y voit Padiaménopé recevoir la Grande Offrande Funéraire; les salles I et II , à piliers, comportent les textes du "Livre pour sortir au jour", avec plusieurs versions des textes du "Livre des Portes", et "l'Hymne Solaire"; la salle III, dédiée au culte, contient une fausse-porte avec de chaque côté des formules des "Textes des Pyramides". Entre chaque passage, on voit Padiaménopé qui marche vers l'entrée avec sa mère, puis avec sa femme en s'adressant aux vivants, avec ses titres de "Prêtre Lecteur en chef d'Hathor" et "secrétaire particulier du Roi" puis "Prêtre Lecteur en chef de Nekhbet ". Cet ensemble présente les caractéristiques d'une tombe classique.
Poursuivons notre avancée... les salles suivantes nous font pénétrer dans le palais funéraire : la porte donnant sur la salle IV marque le passage dans le lieu de sépulture, de style architectural de l'Ancien Empire, là aussi accompagné de sa mère, il suit Maât et Anubis.En continuant nous prenons la direction de la grande descenderie avec les salles VI, VII, VIII qui présentent l'aspect des tombes de la Vallée des Rois (notamment la tombe de Ramses II) avec différents chapitres du "Livre de la sortie au jour" qui nous mène à la salle IX, la "salle du jugement" d'Osiris (où un puits descend à une première salle non déblayée et continuant plus bas, restant à explorer) et aux salles X (avec deux versions différentes du Rituel des Offrandes) et XI (formules des Textes des Pyramides avec un bloc taillé dans la roche au sol simulant un sarcophage ?) de style Ancien Empire, présentant la disposition interne des pyramides à textes. Il faut faire demi-tour jusqu'à la salle V pour entrer dans les salles cultuelles XII et XIII. L'entrée de la salle XII est la seule à présenter des restes de système de fermeture, laissant supposer que l'accès était "privé"; au fond se trouve un puits, qui mène aux caveaux et prend toute la largeur du passage pour rejoindre la salle XVIII, causant de nombreuses chutes . Sur les murs on trouve différents chapitres du "Livre des Portes", de "l'Amdouat", des "Litanies du Soleil", du "Livre de la Nuit". Au passage de la porte, on peut lire une "malédiction" pour ceux qui ne prononceraient pas les formules: "il sera maudit par le dieu de la ville, il n'aura pas d'enterrement et on lui crachera au visage", ce qui a participé aux mythes développés au cours des découvertes des siècles précédents, suite aux péripéties dues au manque de lumière, aux bougies qui s'éteignent, faute d'oxygène dans cet air irrespirable, aux chauve-souris affolées. Une fois le puits passé, la salle XIII ("salle du cénotaphe" d'Osiris) se présente à nous comme un immense sarcophage de 15 m sur 15 taillé dans le roc, présentant aux angles les traces de déesses aux ailes déployées et sur le pourtour une surface à redans avec une succession de portes (15), rappelant la structure de Djoser, et de 22 chapelles (style Nouvel Empire) qui semblent avoir eu le rôle de lieux de cultes de substitution. Côté sud, le couloir se prolonge en formant un coude pour se terminer sur l'emplacement d'une stèle fausse-porte, semble-t-il.


Au passage de la XIIIe porte, un message prie le passant de rénover ce qui se détériore et de compléter son oeuvre.
Comme nous pouvons le voir sur le plan, on trouve, dans le couloir Nord 3 chapelles (comme dans le complexe de Djoser): la salle XIV:"le chateau du Natron", la salle XV:"le château d'Hemag" (forme d'Osiris dans les cultes saïtes, mise des bandelettes); et la salle XVI: "le château de l'Or" (mise au tombeau), le tout formant le culte djémaïque

Sur les parois externes de la salle XIII sont gravés les textes de l'Amdouat.
Maintenant, un peu de spéléo (dont notre conférencier est friand et peut donc joindre l'utile à l'agréable) pour descendre le puits partant de la salle XII et menant aux caveaux XIX, XXI et XXII. On traverse la salle XVII, petite pièce débouchant sur un long couloir de 10m (XVIII) pour arriver au premier caveau (XIX). Au sol, on trouve la trace d'encastrement d'un dispositif dont on ignore la composition, peut-être un dais cachant un catafalque? Sur les murs, on peut lire une version du "Livre des Cavernes" et voir une représentation du réveil d'Osiris, comme dans les tombes de Ramses VI et IX, ainsi que dans le cénotaphe d'Osiris à Abydos. Pour continuer, il faut descendre un nouveau puits de 6 m où l'on débouche sur un caveau carré au plafond cintré et aux parois décorées de redans représentant 14 portes , 4 pour chaque côté et 2 pour l'entrée. Chaque porte décrit le défunt comme un "imakhou" auprès d'Amon et Khonsou pour le mur sud, Atoum, Ptah, Sokar et Osiris pour l'ouest, Montou, Anubis, Hathor à l'est. Au fond de la paroi nord, était caché au plafond, par un bloc rocheux lui aussi à redans, un passage menant à la salle XXII ou salle du "grand caveau" par une sorte de niche. Il se trouve exactement à l'aplomb du cénotaphe, long de 9,5m et large de 5 avec une voûte en plein cintre de 5 m de haut.



On peut apercevoir des niches de chaque côté ( au nombre de 7), contenant sans doute des statuettes comme on le retrouve dans la tombe de Montouemhat. Sur la paroi nord: une niche-porte; sur les murs, on peut voir une version complète de "l'Amdouat" et des passages du "Livre de la Sortie au Jour"; au plafond, une magnifique représentation des constellations. La visite n'est pas terminée car un puits descend, donnant sur une petite pièce où l'on a retrouvé des morceaux de bois dans les déblais, restes d'un sarcophage, et d'une momie laissant supposer que Padiamenope repose bien en ces lieux. Les prochaines fouilles nous en apprendront plus ...

Qui était Padiaménopé?



Il vivait à l'époque Saïte, soit au VIIe siècle avant notre ère. On trouve peu de renseignements sur sa famille, on le voit avec sa femme Tadi "Chanteuse d'Amon" à la 3e porte puis il nous accueille à la 4e porte en compagnie de sa mère Namenkhetaset "Musicienne d'Amon", et de son fils dont le nom a été effacé, sur le linteau de la porte VI. Dix statues à son effigie ont été retrouvées avec des inscriptions quasiment muettes quant à sa famille directe, développant les oncles et tantes. Nous avons la citation d'un oncle du côté maternel comme "Prêtre-Lecteur en chef de Nekhbet".
Ses titres: "Secrétaire particulier du Roi"; "Prêtre lecteur en chef de Nekhbet", donnant un rôle dans les rituels thébains de la Royauté; "Prêtre des deux Diadèmes", titre souvent porté par l'élite thébaine liée au clergé de Montou, donc peut-être chargé des Couronnes Royales, "celui qui orne la Grande de magie". Dans le temple proche de Djemé, son nom est gravé sur la porte Nord, ce qui pose question car c'est un fait unique dans un espace de culte divin. Dans le cas d'un réemploi, son nom aurait été martelé. Sous quel roi servait-il ? On pense à une période s'étendant de Taharqa (koushite) à Psammétique Ier (saïte) mais aucun cartouche n'a été retrouvé pour le moment. Est ce une volonté d'être intemporel, apolitique ?
Quelle vocation pouvait avoir cette tombe, à la fois musée, bibliothèque , temple? Padiaménopé était -il tout à la fois archiviste, archéologue, bibliothécaire? Souhaitons que les réponses nous soient bientôt apportées au cours des prochaines fouilles.

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